Comme l’affirmait Aristote, « l’homme est un animal social », décrivant ainsi l’un des besoins humains les plus élémentaires qui est l’appartenance à un groupe. Cette nécessité est ressentie chez l’individu sédentaire et nomade.
L’acte migratoire constitue un acte physique et psychique mais également social. En effet, l’expatrié ne change pas exclusivement de milieu physique, mais aussi d’environnement social, culturel et linguistique. Contrairement au voyageur, l’expatrié doit développer des mécanismes d’adaptation durables, et notamment établir de nouveaux liens dans le pays d’accueil, parmi lesquels identifier un nouveau réseau de professionnels et établissement de santé.
Les principales préoccupations des expatriés, toutes nationalités confondues, lorsqu’ils arrivent dans un nouveau pays concernent notamment le logement, la scolarité des enfants, les formalités administratives et juridiques, ainsi que l’accès aux soins médicaux. Ces différentes thématiques sont propices à l’intégration de réseaux et de lieux de soutien. Ainsi, en scolarisant ses enfants, on entre en contact avec un réseau de parents d’élèves, qui lui-même pourra servir d’appui, de soutien affectif et de sources d’informations.
Quelle que soit la forme que prend le réseau, association locale ou transnationale, site internet, page Facebook, etc., les raisons d’appartenance à ce groupe sont variables. Il peut rassembler une communauté nationale établie sur un territoire (les français de Hong Kong), être lié au « sol » d’origine (les Corses des États-Unis, les pieds noirs de Bénidorm), à l’exercice d’une profession, au statut de conjoint suiveur, ou de parent d’élève.
Que ses membres soient physiquement ou virtuellement en contact, l’influence du réseau social et du bouche-à-oreille sont non négligeables. Le réseau social peut devenir une source de refuge affectif, de revendication identitaire et d’informations pratiques. Ainsi, les renseignements obtenus par ces réseaux sont, la plupart du temps, associés à une émotion positive. Loin de chez soi, on a tendance à accorder une plus grande confiance à ceux dont on se sent proche qu’à une source anonyme, même institutionnelle et davantage experte en la matière. L’expatrié évoque souvent plus volontiers un problème de santé aux membres de son réseau, souvent même avant d’en faire part à un professionnel de santé de son pays d’expatriation. Cette préférence s’explique, entre autre, par la confiance associée à la solidarité communautaire, et par la rareté d’acteurs experts aidant les expatriés à comprendre et naviguer le système de santé local.
La prise en charge médicale d’un patient expatrié ne s’improvise pas. Il est primordial que chaque famille expatriée ait reçu les informations adéquates et qu’elle soit accompagnée dans la prise en charge de sa santé dans son pays d’accueil : coûts et étendue de la couverture santé, fonctionnement du système de santé local (accès aux soins, particularités du système, codes culturels), identification de professionnels et établissements de santé répondant aux besoins spécifiques.
Par ailleurs, l’intercompréhension qui peut exister entre le patient et le professionnel de santé ne se limite pas à une barrière linguistique. Soigner efficacement en situation transculturelle exige d’abord une compétence de soignant, mais aussi en matière de médiation interculturelle. Or, cette dernière ne s’inscrit pas dans le cursus de base des études de médecine, d’infirmière, d’orthophonie ou de psychologie. Il s’agit de formations complémentaires, validées par des diplômes, que le professionnel de santé choisit ou non de suivre.
Il existe ainsi un état de vulnérabilité en situation migratoire qui tient à plusieurs facteurs : au statut d’étranger, d’allophone, aux stress physiologiques dus à l’exposition à de nouveaux paramètres environnementaux, au changement de statut au sein de la famille ainsi que dans le contexte professionnel et sociétal. Il est même parfois aggravé par la méconnaissance des codes culturels et sociétaux du pays d’accueil, dont le fonctionnement et les particularités de son système de santé. Cet état de vulnérabilité, associé à l’attachement affectif envers le réseau, tend à renforcer la crédulité de l’expatrié face à l’information médicale divulguée dans un contexte non expert. Il arrive ainsi que certaines familles adoptent des mesures préventives indues au détriment des recommandations officielles ; d’autres sont orientées chez des praticiens de médecines dites « alternatives » sans être éclairées sur leur caractère non validé scientifiquement ou non adapté à leur situation.
Ces pratiques engendrent de nombreuses conséquences :
- un recours souvent tardif aux soins entraînant une possible aggravation de la pathologie,
- des diagnostics erronés et des soins inadaptés au sein d’équipes ne possédant pas les compétences requises,
- une confusion chez les familles confrontées à la diversité des avis consultés,
- une absence de coordination et de centralisation du suivi médical,
- une négligence dans les attitudes préventives,
- la prise d’habitudes inadaptées dans le recours aux soins,
- une information médicale inexacte, parfois issue de sources charlatanesques
En définitive, il faut rester très vigilant face à l’information médicale divulguée par les réseaux sociaux. En aucun cas le bouche-à-oreille ne remplace l’expertise et la pratique médicale auprès d’un public de migrants constitue une réelle compétence. Avant le départ, à l’arrivée et pendant le séjour à l’étranger, il est fortement recommandé que les expatriés soient guidés et informés sur le fonctionnement du système de santé local et leurs options de couverture santé.